dimanche 10 novembre 2013

Suhr 10th Anniversary Limited Edition 2008

ESSAI : SUHR MODERN 10TH ANNIVERSARY 
LIMITED EDITION 2008


CARACTÉRISTIQUES


Je vous propose la lecture de mon avis sur cette magnifique guitare. Le modèle 10ème anniversaire de chez Suhr. Fabriquée à 100 exemplaires dans les ateliers californiens du luthier en 2008, c'est un modèle rare, difficile à trouver, et dont la qualité de fabrication est absolument remarquable.

J'ai possédé cette guitare durant plusieurs années, mais ai fini par la revendre, pour des raisons qui n'ont rien à avoir avec elle... Je regrette d'ailleurs de ne plus pouvoir en profiter.

Il s'agit donc d'une guitare aux formes stratoïdes, modernisées, très élégante et agréable à porter.

Les spécifications générales : 

- Corps et manche en acajou (je reviendrai un peu plus tard là-dessus) ;
- Table en érable flammé, absolument somptueuse !! J'ai eu la chance de posséder l'une des plus belle de la série ;
- Touche en pau ferro — une sorte de palissandre un peu plus dense que le palissandre brésilien.
- Micros doubles bobinages Suhr Doug Aldrich, en chevalet et manche (pas d'intermédiaire), un volume, une tonalité, un switch 5 positions ;
- Acastillage : mécaniques auto-bloquantes Sperzel et sillet à blocage ; vibrato Gotoh flottant (exceptionnel aussi, j'y reviendrai) ;
- Frettage du manche respectant le système Buzz Feiten. La guitare est extrêmement bien tempérée sur ses quatre octaves, et se désaccorde très très peu.

Question vernis : polyuréthane sur le corps et le dessus de la tête ; vernis satiné sur le manche.

La jonction corps manche est véritablement remarquable ; la qualité d'assemblage est sans aucun reproche possible. On a affaire à un instrument très haut de gamme, d'une très grande classe, et d'une qualité de jeu sans défaut. La résonance de l'instrument est très bonne, et tout est fait pour rendre le jeu aisé et agréable.

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Je mets une mention spéciale sur le vibrato flottant. Je ne connaissais pas le Gotoh avant que de posséder cette guitare. J'avais auparavant joué sur le sous-licence Shaller, le système à bille de Vigier, le Floyd Rose Original, et bien sûr le Lo Pro Edge, pendant ma période Ibanez, quand j'étais jeune...
Très honnêtement, le Gotoh est de très loin le meilleur, le plus agréable à jouer, le plus continue et précis dans ses mouvements. L'effet de vibrato obtenu est absolument parfait. Ceci, notamment, grâce au montage de la tige, qui s'installe en se vissant progressivement dans son logement, logement lui-même gainé d'une pièce de plastique souple. Cette pièce permet un placement parfait de la tige dans son logement, évitant un micro jeu toujours perceptible chez tous les autres fabriquant. Ici, on peu régler la rigidité du balancement de la tige (si on veut qu'elle flotte beaucoup, ou bien qu'elle reste en place telle qu'on la mise), simplement en la vissant un peu plus ou un peu moins. Mais il n'existe jamais un quelconque jeu qui dégraderait l'effet de vibrato.
Par conséquent, je le trouve remarquable en tout point. C'est de loin le meilleur vibrato type floyd rose existant. Merci Gotoh !

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Une autre mention spéciale au bois de corps et de manche utilisé pour cette guitare. Suhr annonce un "acajou" (mahogany), sans autre forme de précision sur sa provenance. Vu les veinures du bois (notamment sur le manche, puisque malheureusement le corps a un vernis teinté brun foncé, qui ne laisse pas apparaître les fibre du bois), et le timbre de l'instrument me font conclure qu'il ne s'agit pas d'un acajou d'Amérique tropicale, mais d'un Sipo africain.
Je trouve que pour une question d'honnêteté, Suhr devrait annoncer clairement qu'il ne s'agit pas d'un acajou. Car seul devrait être dénommé acajou celui provenant d'Amérique tropicale (Bolivie, Honduras, Brésil, Cuba, etc.), qui n'a ni les mêmes caractéristiques mécaniques, ni esthétiques, ni acoustiques. Mais pour des questions marketing, ça fait toujours mieux de dire qu'on a un corps et un manche en "mahogany", plutôt qu'en "African Sipo"...
Néanmoins, vu la qualité acoustique de l'instrument, je pense très sincèrement qu'on a affaire à des bois séchés naturellement, et non en étuve : les fibres du bois sont alors préservées, et ça se ressent sur la capacité de la guitare à délivrer des harmoniques très riches dans le haut du spectre. Je reviendrai sur ce point aussi par la suite.

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On a donc une guitare donc la qualité de fabrication est remarquable en tout point. Je ne reproche pas forcément l'emploi du Sipo en lieu et place d'un véritable acajou, cependant, je pense que le tarif d'un tel instrument justifierait l'emploi d'un swietenia (acajou américain), puisque Suhr annonce clairement qu'il emploi de l'acajou sur cette guitare, ce qui n'est pas le cas... Bref... Je ne suis pas d'accord avec cette politique qui consiste à ne pas être clair, voire menteur, sur les provenance des essences utilisées par les luthiers.


A L'USAGE


Question utilisation, vous l'aurez compris, on a un instrument qui fait tout pour son musicien. Elle est légère et extrêmement facile à jouer, la prise en main étant d'une simplicité déconcertante. La qualité du frettage, le profil du manche, le radius compensé, et le vernis satiné rendent le toucher de l'instrument extrêmement agréable, très sensuel, pourrais-je dire. La position du bras droit, reposant sur le chanfrein du corps, est parfaite. Le positionnement des volume, tonalité et switch est standard. Il n'y a pas de surprise.
Le talon au niveau de la jonction corps/manche est profilé ; un chanfrein est creusé sur le corps pour loger plus facilement la paume de la main lorsque l'on arrive sur les dernières cases du manche : l'accès aux notes les plus aiguës du manche est par conséquent très simple.

Il semble que le Buzz Feiten Tuning System (BFTS) rende l'instrument plus facile à jouer, en même temps qu'il permet d'accroître sa justesse, contrairement à des instruments qui n'en disposeraient pas. Je ne peux certifier que cette sensation ne soit due qu'à ce seul système. Je n'en dispose pas sur mes instruments luthiers, mais par rapport à ma Arnaud Quérey  Per Aude Adamante, je ne ressens pas plus de facilité. Mais force est de constater que cela doit jouer d'une manière ou d'une autre.

Il est vrai qu'il n'y a que très peu d'efforts à faire pour produire des sons très bien définis, des accords complexes sans la moindre frise, ou difficulté. J'équipais cette guitare de cordes D'Addario 10-46, et joue par ailleurs sur du 11-48 sur d'autres instruments (toujours en accordage standard). 

Cette guitare peut-être maltraitée dans tous les sens, l'accord reste en place ! Encore une fois, il s'agit d'une guitare particulièrement aisée et agréable à jouer.


SONORITÉS


On a affaire, vous vous en doutez, à quelques chose d'excellente qualité. Un sipo africain bien travaillé, bien séché, produit très manifestement un instrument aux qualités acoustiques très intéressantes. Mais je n'irai pas non plus comparer ces qualité à celles que l'on obtient avec un véritable acajou américain.

Chaque pièce de bois va sonner différemment d'une de l'autre, en fonction de sa densité propre, de sa coupe, et le rendu sonore global de l'instrument sera aussi dépendant des autres pièces de bois avec lesquelles elle se trouve assemblée : tout ceci donne un résultat très complexe à comparer avec mes autres guitares.

J'insiste néanmoins sur le fait que le résultat sonore est de grande qualité. Et j'ai pu trouver une expressivité à cette guitare que je ne trouvais pas de la même façon sur mes autres instruments. Néanmoins, je lui trouvais des défauts du fait même qu'il s'agissait d'un sipo et non d'un acajou. C'est toujours une affaire d'équilibre, parce que la guitare absolue, qui vous fournirait toujours toutes les petites subtilités que vous souhaiteriez, n'existe pas. C'est bien pour cela qu'on utilise des essences différentes, des micros différents, pour obtenir des timbres sonores différents.

Je ne lui fais donc pas de reproche par principe.

Néanmoins, je constate que, en jouant la guitare débranchée, le timbre global de l'instrument est plutôt clair, cristallin : il est orienté plutôt haut-médium, et dispose de très belles harmoniques aiguës. A contrario, les bas-médiums sont assez creux, et manquent de percussion. Je trouve qu'il y a un déficit en harmoniques qui produit une certaine sécheresse à l'attaque et un manque de rondeur dans l'écoute. On sent d'ailleurs assez nettement que passée la première octave, autour de 1 kHz, la guitare devient plus résonnante, et plus dynamique, et plus on avance dans le spectre, autour de 1,8 kHz, plus le timbre s'enrichit. On obtient des haut-médiums très subtils et aériens, avec des aigus à la fois vifs et soyeux (2,5 à 4 kHz). Cette guitare a quelque chose de très "acoustique" dans ses sonorités, qui annoncent un résultat fort intéressant à entendre.

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Je vais maintenant parler du résultat sonore une fois la guitare amplifiée. Je ne pourrai cependant vous proposer une analyse exhaustive, en son clair et saturé, sur toutes les combinaisons de micros. Je ne possède plus cette guitare, et par honnêteté, mon propos ne serait pas juste si je voulais tout vous dire de cette guitare remarquable. Je me limiterai donc à décrire le rendu général de l'instrument amplifié, et à évoquer certains souvenirs acoustiques très vifs, qui m'ont particulièrement marqués lorsque je le jouais.

Amplifiée, la guitare propose un résultat sera très surprenant et très musical. Jouée à l'époque sur ma ENGL Savage Special Edition (vous pouvez en lire le compte rendu), je retrouvais les mêmes impressions qu'à l'écoute sans ampli. J'évoquerai la question des micros un peu plus tard, mais globalement, la guitare délivre des sonorités très bien définies, dynamiques, très riches sur les deux tiers supérieurs de sa tessiture. Là où cela pêche un peu, c'est au niveau des bas-médiums, dont le creux bien marqué, et l'absence d'une réelle richesse harmonique produit un son assez sec et manquant un peu de punch.

Cependant, il faut bien comprendre que le timbre de l'instrument forme un tout, et que c'est parce que les bas-médiums ont ce rendu sonore assez peu présent que les haut-médiums et les aigus sont au contraire, présents, qu'ils se démarquent du lot. Par conséquent, il ne faut pas comprendre que la guitare "n'a pas de graves", "qu'elle ne sonne pas". Je parle du timbre général de l'instrument, de son "égalisation", si je puis dire, par comparaison avec la façon dont on règle un ampli.

La qualité des micros est excellente : je n'ai jamais joué sur des micros Suhr auparavant, et il faut bien reconnaître qu'ils conviennent particulièrement bien à cette guitare. Splitables, leur qualités sonores sont excellentes, que ce soit en double qu'une fois splités. Le micro chevalet produit un son riche, précis, plutôt moderne et puissant, et qui magnifie vraiment les plages de fréquences sur lesquelles la guitare sonne déjà particulièrement bien, mais ne parvient pas à compenser le déficit des bas-médiums. Les notes aiguës sont vraiment belles, et les harmoniques qui forment le timbre de la guitare ressortent vraiment très bien. Elle excelle dans des soli joués avec de l'investissement, et rend toute la chaleur de l'intention du musicien.
Le micro manche est quant à lui beaucoup plus rugueux, moins puissant, avec beaucoup de piqué à l'attaque. Encore une fois, il souffre d'un manque de présence de l'instrument dans le registre des bas-médium ; mais cela constitue la particularité sonore de cette guitare, qui est finalement très attachante !


CONCLUSION


J'ai donc possédée cette guitare durant trois belles années, et si je ne la possède plus aujourd'hui, c'est avec un petit pincement au coeur.

C'est très clairement un instrument exclusif, d'exception, d'une rare beauté, et rare tout court.

J'y retrouve néanmoins les défaut d'une production de série : un vernis teinté qui ne laisse pas apparaître le grain du bois du corps (même si pour le sipo, il faudra repasser question beauté, c'est pas franchement ça...) ; des plaques plaques en plastique (et non en bois) au dos de la guitare. J'aurais aimé un plaqué d'érable tiré de la pièce avec laquelle la table a été usinée sur la tête, plutôt qu'un vernis noir... Pour une guitare à plus ded 5000$, c'est dommage. Par-dessus tout, un corps en vrai acajou... Mais bon, je pars du principe qu'il s'agit d'un choix sonore et technique que d'avoir opté pour du sipo, plutôt qu'un choix économique. L'acajou et le sipo ont des caractéristiques sonores différentes, et je reconnais volontiers que Suhr nous fait l'honneur d'avoir fabriqué une série de guitare vraiment exceptionnelle.

Mais plus qu'un instrument de collection bardé d'éléments décoratifs souvent kitch, Suhr a voulu que cette guitare soit un véritable "instrument" de jeu, une guitare que l'on joue, et pas une guitare que l'on place derrière une armoire vitrée.

La 10th Anniversary Limited Edition permet d'appréhender tous les style de musique sans avoir peur de tomber à côté du son ; elle est d'une facilité déconcertante et procure un plaisir de jeu que je n'ai connu qu'avec mes guitares de luthier. Sa tenue d'accord et son expressivité générale la rende extrêmement sûre pour tout musicien exigent.

Cependant, je ne peux tout à fait lui reconnaître les qualités acoustique d'un instrument d'exception : si les bois employés sont remarquablement sélectionnés pour leurs qualités esthétiques, je n'ai jamais eu avec cette Suhr cette sensation acoustique qui me faisait revenir à cette guitare avec la même admiration sonore. Elle sonne remarquablement bien, mais elle ne m'a jamais subjuguée comme mes trois Quérey.

Elle est presque parfaite... presque... :)


PHOTOS


Voici quelques photos que j'ai prise à l'époque où je possédais cette guitare. Elles ne lui rendent malheureusement pas justice.







jeudi 31 octobre 2013

L'ébène : Ebène noir d'Afrique et Ebène de Macasar


L’EBENE.


- L’ébène est le bois de l’ébénier, dont la provenance africaine est reconnaissable entre mille. Ce bois est connu pour être le plus noir existant, et aussi pour son extrême densité… plus d’une tonne au mètre cube. Il coule donc lorsqu’il est plongé dans l’eau.
Ce bois provient des pays d’Afrique Centrale, comme le Gabon, le Congo, le Cameroun, le Nigeria, ou encore Madagascar. Je ne peux pas vous dire s’il existe des différences sonores entre les différentes provenances, je ne les connais pas s’il y en a. Je sais par contre que l’ébène du Gabon et celui du Congo sont tous deux excellents.
C’est un bois précieux, au grain fin, et très droit de fil. Il est luisant une fois coupé, très lisse, ce pour quoi il est tant apprécié sur les touches des guitares électriques, parce qu’il est très doux au toucher, très glissant, et absorbe très bien les choc occasionnés par le jeu normal sur l’instrument. Il rend donc le jeu très agréable, et accroît l’endurance de la main. Sa couleur « jet black », comme disent les américains, le rend très agréable à l’œil, donne un très beau fini, et produit un très beau contraste avec les incrustations, notamment en abalone, ou Mother of Pearl…
Il faut prendre garde cependant à le garder un peu gras, parce qu’il devient fragile si on ne l’entretient pas pendant longtemps. Nombreuses sont les personnes qui apportent en catastrophe leur guitare chez un luthier parce que la touche a éclaté… C’est toujours parce qu’elle n’a pas été huilée pendant des années. Ainsi, pour conserver le lustre, l’aspect, les qualités tactiles et mécaniques de ce très beau bois, appliquez tous les trimestres, voire plus souvent si vous jouez beaucoup, de l’huile pour teck. Cette huile est ce que l’on trouve de mieux pour nourrir un bois ; c’est bien mieux que le lemon oil.
Au-delà même de l’entretient, qui doit être assez régulier et soigneux, c’est un bois qui est loin d’être facile à travailler. Bien évidemment très dur, il est aussi fragile lors de la fabrication d’un manche ; et il a une certaine tendance à gercer. Aussi, c’est un bois qui bouge beaucoup, par rapport à l’ébène de Macassar, ou bien encore par rapport au palissandre, qui lui, au contraire, bouge très peu. Il faut donc être précautionneux quand à la manière et l’endroit où l’on entrepose son instrument. Il faut éviter de le placer à un endroit où de forts écarts de températures peuvent se produire (notamment en été, si votre pièce est exposée au soleil, il est important de conserver sa guitare dans un endroit tempéré). Sans quoi, le manche peut très vite se dérégler, et dans des proportions parfois importantes, qui nécessitent de refrapper les frettes qui ont pu sortir quelque peu de leur logement. (Cette précaution est à prendre quelque soit l’instrument,  mais je la recommande d’autant plus lorsque l’on a une touche en ébène.)

Ce bois est, dans le domaine de la guitare, quasi exclusivement employé pour fabriquer des touches (c’est ce qu’il faut utiliser pour des basses fretless par exemple) ; mais on peut le trouver pour des chevalets ou des sillets de guitares acoustiques. Contrairement à du palissandre, l’ébène est un bois qui est très efficace pour relever le spectre de la guitare, en focalisant les hauts médiums.  Il est donc très intéressant à utiliser avec des guitares aux bois chauds, qui descendent bas dans le spectre. Notez qu’une Les Paul Junior est faite avec un corps et un manche en acajou, et une touche en ébène. C’est une combinaison qui marche très bien, et procure un son rond, chaud et gras, sans manquer de définition dans les hauts médiums et les aigus. Associé à de l’érable, pour le manche et la table, il rend un résultat percutant et dynamique dans les fréquences qu’il occupe, et adoucie le haut du spectre en lui donnant une touche lisse et nette, non pas agressive. Donc comme toujours, il s’agit de choisir ce bois dans un but bien précis, afin de rendre un résultat harmonieux avec le reste des essences avec lesquelles on l’associe.

C’est un bois très onéreux, qui n’est d’ailleurs quasiment plus utilisé sur les guitares fabriquées selon des méthodes industrielles, et même dans nombre de Custom Shop de grands luthiers. L’ébénier est un arbre protégé, compte tenu de l’exploitation démesurée que l’on en a fait, pour fabriquer des meubles, des objets en tous genres. Ceci dit, il n’est pas impossible à trouver. C’est en tout cas beaucoup plus simple que l’acajou du Brésil ou du Honduras.

Voici une photo d’une planche d’ébène :






- L’autre ébène de plus en plus employé pour fabriquer des touches de guitares arrive d’Indonésie. Ce bois est nommé Ebène de Macassar, désignant ainsi sa région d’exploitation, sur l’Ile de Bornéo. Il ne faut pas le confondre avec l’ébène africain, car ses caractéristiques, esthétiques, mécaniques, sonores, sont assez différentes. Sa teinte n’est pas du tout la même, mélangeant des lignes noires, avec d’autres brunes.
L’ébène de Macassar est moins dense, facile à travailler et très droit de fil ; il jouit d’une plus grande stabilité sur le manche d’une guitare. Pensez cependant toujours à le huiler régulièrement, c’est aussi un bois huileux. Il est aussi très agréable au toucher, quoiqu’un peu différent de l’ébène du Congo. Il sonne un peu moins haut médiums, un peu plus gras et chaud que le bois de provenance africaine (grosso modo, du plus haut médium au plus bas médium, vous avez l’ébène centrafricain, l’ébène indonésien, le pao ferro, le palissandre ; je ne vous raconte pas tous les palissandres qu’il y a de surcroît). Ce bois procure donc un son un peu moins tranchant, qu’il est intéressant d’utiliser sur un manche en érable très ondé par exemple, qui, parce qu’il est ondé, est aussi plus dense, et va sonner un peu plus haut dans le spectre. Donc, toujours par un souci de complémentarité sonore, ces deux bois associés donnent un très bon résultat. De plus, son aspect marbré est tout à fait intéressant pour donner à votre instrument une apparence originale et élégante. C’est un excellent bois de lutherie qui a aussi l’intérêt d’être beaucoup moins onéreux que l’ébène centrafricain (mais à quel prix cependant, puisque les Indonésiens sont en train de décimer littéralement leurs forêt, les considérant simplement comme une manne économique). C’est aussi la raison pour laquelle on commence à en voir un peu partout, à la place de l’ébène noir, notamment en menuiserie, et même en bijouterie…






Merci de votre lecture, et n'hésitez pas à laisser des commentaires.

L'érable utilisé en lutherie de guitare électrique.


L’ERABLE : les différents érables utilisés en lutherie pour guitare électrique, leurs différences esthétiques et  sonores.


Il existe beaucoup d’érables différents utilisés en lutherie, selon qu’on l’utilise pour construire un manche ou un table, voire un corps mais c’est plutôt rare. On aime particulièrement l’érable pour les figures qu’il peut posséder, soit simple (blanc sans figure), ou bien ondé, flammé, moucheté (bird eyes), pommelé (le fameux ‘quilted maple’), et d’autres encore, comme le spalted maple (qui n’est autre chose qu’un hard rock maple qu’on a laissé se dégrader par la moisissure et l’humidité et qui a été chauffé après), ou le burled maple. Ce qui prime généralement dans le choix de tel ou tel érable, c’est l’aspect esthétique. Certes, et cela, je ne cesse de le dire, une très bonne guitare doit aussi être très belle, mais il faut aussi comprendre que le choix de tel érable conditionne aussi une bonne partie du son, dans la mesure où les figures du bois rendent compte de différence de densités, qui jouent sur la résonance du bois, les fréquences auxquelles il va répondre le mieux.
Je vais tenter de parler de quelques uns des différents érables que l’on utilise en lutherie pour guitare électrique. Il existe cependant un très grand nombre d'érables référencé en taxinomie.

L’érable, d'une façon très générale, est un bois moyennement dense, selon que l’on prenne un érable sycomore (européen, autour de 610 kg/m3), un érable à sucre (Canada, autour de 720 kg/m3),  ou encore un érable américain courant, dont la densité se situe vers 540 kg/m3. Il est très résistant à la flexion, et c’est surtout pour cette raison qu’il est apprécié pour les manches de guitares, puisqu’il demeure stable malgré les forces qui s’exercent sur lui. [Je me vois dans l’obligation d’ajouter une note importante sur la question de la densité du bois, qui vaut pour toutes les essences dont je vous parle. Lorsqu’un bois est dit avoir une densité moyenne de 600 ou 700 kg/m3, il faut bien considérer qu’il s’agit d’une densité moyenne, qui vaut pour un bloc de bois d’1m3. Par conséquent, dans ce bloc de bois, les coupes que l’on effectue pour obtenir des corps, des tables, des manches ou des touches de guitares, peuvent très bien se situer à des densités très différentes de la densité moyenne, soit en dessous, soit au dessus. Dès lors, alors que l’épicéa que l’on utilise pour construire des tables d’harmonies de guitares acoustiques connaît une densité de 700kg/m3 environ, vous pouvez posséder une guitare dont la table a une densité d’environ 0.5 (ce qui est largement en dessous), ou bien au contraire de 1.1 (ce qui est considérablement au dessus de la densité moyenne). Imaginez alors les différences sonores entre deux guitares identiques, mais dont les tables d’harmonies font chacune 0.5 et 1.1 de densité. Telle est la raison pour laquelle on dit toujours que deux guitares sont différentes, même si en principe, elles sont identiques en ce qui concerne le choix des bois et la facture.]

D’une manière générale, l’érable sonne très médium ; et il est surtout marqué par un creux très franc au niveau des bas médiums (les fréquences les plus basses d’une guitare). Il ne faut donc pas croire ceux qui vont vous dire qu’une guitare avec un corps en aulne, une table et un manche en érable ondé, va restituer des basses profondes et chaleureuses… C’est techniquement impossible, à moins de compenser à outrance sur l’ampli et les effets (ce qui n’a pas d’intérêt pour nous dans la mesure où nous partons du postulat que le signal de départ, qu’est la guitare, doit être excellent, pour que le son global le soit aussi). Mais une telle guitare en elle-même ne peut donner un tel résultat. Il y a tout simplement beaucoup trop d’érable pour que cela soit possible, et l’aulne ne descend pas assez bas (et monte trop haut) pour compenser.
Pour ce qui est du son, chaque érable a sa petite spécificité. Ceci est dû au fait que les figures du bois sont produites par des augmentations de densité aux endroits où le bois est plus sombre. Vous devez vous demander comment ces ondes se produisent… En fait, il n’existe pas particulièrement de variété d’érables ondés ou flammés. Les ondes de l’érable (comme celle de tous les arbres qui ont des ondes : contemplez par exemple le frêne ondé qu’a employé Arnaud Quérey pour la Telecaster Bleue), sont produites par des mouvements latéraux des arbres, lorsqu’ils sont en bordure de bois ou de forêts, et qu’ils sont battus par les vents. Ces mouvements latéraux produisent des tassements plus ou moins réguliers du bois sur lui-même, et ainsi, augmentent sa densité à l’endroit de ces tassements. Cela se produit aussi à cause de l’âge de arbre, qui par sa taille imposante, en vient à se tasser sur lui-même. Quoi qu’il en soit, ces figures sont du plus bel effet esthétique.
Il ne faut pas négliger l’importance de ces ondes dans le choix d’un bois. Gardez à l’esprit que c’est avant tout le son qui prime sur l’esthétique, et qu’il faut chercher tant que faire ce peut, de combiner les deux ensembles pour que votre instrument soit le plus beau et le plus original possible. Mais selon les bois que l’on souhaite avoir, pour un corps par exemple, il vaudra mieux choisir un érable tout simple pour le manche, plutôt qu’un érable ondé, même s’il peut être très beau, ceci parce qu’il se situera à des niveaux de densités relativement faibles. Je pense à cela notamment si l’on souhaite avoir un corps en aulne ou en frêne. Coupé sur dosse, l’érable va résonner davantage à des fréquences plus basses qu’un érable ondé coupé sur quartier, ce qui va équilibrer le spectre général de la guitare. De même pour la table, le choix d’un érable simple n’est certes pas très esthétique, mais si l’on souhaite avoir une guitare peinte en entier, rien ne sert d’une part d’aller chercher un érable pommelé (ça va de soit, non ?), mais aussi, cela va obliger à repenser quelque peu la proportion table/dos du corps, ou alors à choisir une touche en ébène, à la place du palissandre que vous imaginiez avoir, tout cela afin d’obtenir une réponse équilibrée sur tout le spectre de la guitare.

Un érable ondé sonne plus haut dans le spectre du fait qu’il est plus dense, ainsi, il est intéressant de l’utiliser avec des touches en palissandre, en ébène de macassar, en pao ferro, pour contrebalancer. Il vous procurera davantage de percussion dans les notes les plus aigues, et un côté cristallin très recherché. Le haut du spectre de la guitare sera très lisible.
Mais ne croyez pas qu’une guitare aux haut médiums et aigus très ouverts et claquants doive avoir nécessairement un déficit en bas médiums. Chaque bois dans une guitare a sa fonction, et il est absolument possible d’obtenir une restitution très plate (homogène, non pas fade…) du spectre de la guitare. Il faut donc éviter de mettre beaucoup d’érable (manche plus table, ou bien manche conducteur) sur une guitare avec un bois blanc, type aulne ou frêne. L’aulne à lui tout seul suffit, parce qu’il est le bois blanc le plus large bande, et par ailleurs, il sonne très bien. Et privilégiez une touche en palissandre, pour ajouter du bas, plutôt qu’une touche érable (tous les fans de Fender me tapent sur les doigts, je le sais).
Pensez à traiter l’érable pommelé (quilted maple), que l’on n’utilise que pour la table de la guitare, comme une table en érable très ondé, donc très dense. Il est d’ailleurs plus aisé de traiter un pommelé large, plutôt qu’un resserré, parce que sinon, la conception du manche va être compliquée. Et surtout, pensez bien que l’érable est excellent pour une table d’un dos en acajou, en koa (sur le koa, il est très important de trouver un moyen pour ajouter de l’érable, parce que sinon, votre guitare sera très sourde), ou en noyer.


Un érable bird-eyes, c’est une pièce d’érable sélectionnée sur des arbres sur lesquelles on trouve un grand nombre de petites pousses. Les yeux d’oiseaux ne sont rien d’autres que les nœuds provoqués par la pousse de nouvelles branches. Choisi surtout pour son aspect esthétique, qui en effet, peut parfois être vraiment impressionnant, pouvant être ondé en même temps, l’érable bird-eyes à des caractéristiques sonores assez proches de celles d’un érable simple, sa densité étant assez similaire. Etant plus « mou » qu’un érable ondé, son spectre sonore est moins élevé que ce dernier. Il est donc plus intéressant à employé avec une touche en ébène africain, alors que l’on peut tout à fait envisager d’employer du palissandre ou de l’ébène de Macassar si l’on a un manche et une table en érable ondé (d’autant plus si sa densité est vraiment élevée).
L’érable bird eyes est un bois dont la provenance est nord-américaine principalement, tout comme le hard rock maple, que l’on trouve sur nombre de guitares venant du Canada et des Etats-Unis. Mais il est bien difficile de trouver des pièces de birds-eyes qui soit très uniformes et pleines de nœuds partout. Généralement, les nœuds ne sont pas très bien répartis, ce qui peut donner des manches beaux, mais pas uniformes. Les pièces très fournies sont très belles.
On entend souvent que le meilleur des érables est aussi le plus simple, contrairement à un bird-eyes, qui est plus instable. Ce n’est qu’une demi vérité. Il est vrai qu’un érable simple est extrêmement stable du fait qu’il est totalement homogène, que ses veines sont rectilignes, qu’une coupe sur quartier est pour ainsi dire toujours sur quartier sur toute la longueur du manche. Un érable bird-eyes, nécessairement, a des veinures moins rectilignes du fait qu’elles contournent les nœuds du bois (c’est en cela que je le dis plus « mou », ses veines partant régulièrement sur dosse) ; cependant, cela reste un bois très stable, qui, à mon sens, n’a rien a envier à un érable simple (surtout quand on a du carbone dans le manche !). On en trouve peu sur les guitares industrielles parce que c’est un bois plus difficile à travailler du fait que les nœuds sont toujours en contre-fil. La découpe en est donc très peu aisée. C’est la seule raison objective qui fasse qu’un érable simple soit ‘meilleur’ qu’un bird-eyes, mais cela ne tient à qu’à la qualité du luthier auquel vous vous adressez. Et dans la mesure où un manche devrait toujours disposer de renforts en carbone, la question de la rigidité de la pièce de bois devient moins importante.



Vous l’aurez compris, le choix de la bonne pièce d’érable pour la bonne guitare est une chose difficile, qu’un luthier doit savoir bien évidemment faire, mais surtout vous expliquer et vous justifier. C’est surtout le son qui doit primer, donc, s’il faut en passer par choisir un érable blanc, et non pas l’ondé de vos rêves, parce qu’aux vues de l’associations de bois, c’est cet érable qu’il faut choisir et non pas l’ondé, soit vous rester dans cette perspective, soit vous réévaluez l’ensemble du système de bois (parce que c’est bel et bien systématique).

mercredi 30 octobre 2013

L'acajou




L’acajou : ses espèces employées pour la lutherie de guitare électriques.



Arbre de la famille des Méliacées, proche de la famille des Sapindacées (Litchi, LonganierSavonnierXanthoceras)

Étymologie : son nom latin, Swietenia mahogani dérive du nom "mahogani" que lui donnaient les Indiens Arawaks ou du moins de celui que comprirent les conquistadores. Ce genre américain est proche parent du genre africain Khaya. Au-dessus, east african mahogani.
Origine : Amérique tropicale.
Habitat : pays tropicaux.
Taille maximale : 30m.
Tronc : élancé, à ramifications hautes.
Feuillage caduc : feuilles composées de folioles pointues.
Fleurs : sont blanc jaunâtre et réunies en cymes axillaires.
Les fruits de l'Acajou s'ouvrent à la base et laissent échapper de nombreuses graines ailées.
Bois gris rose à l'état frais, devenant violine à la lumière puis marron-rouge très foncé en vieillissant.
Utilisation : l'Acajou a un bois "précieux" à grain fin, dur et facile à travailler, résistant aux termites. Il est apprécié utilisé en sculpture et entre dans la fabrication de meubles, souvent en simple placage, compte tenu de sa valeur. Autrefois il était utilisé dans la réalisation des teintures.

L’acajou est au départ un bois dont l’usage est réservé à la fabrication de meubles luxueux. Son utilisation pour fabriquer des corps de guitares trouve son origine dans la volonté de faire des instruments aux bois luxueux avant tout. La question du son qui en découle, et qui aujourd’hui encore, détermine notre culture de la guitare, est une chose qui fut secondaire. Mais c’est un fait, l’acajou est un bois qui sonne particulièrement bien. Les Gibson vintage sont faite d’acajou sud américain, et c’est la raison pour laquelle ces guitares sont recherchées et appréciées pour leurs qualités sonores supérieures à celles des Gibson modernes. C’est pour cela qu’il ne faut pas confondre l’acajou sud-américain (déjà que l’on peut trouver des différences selon la provenance de ces acajous) avec les autres type d’acajou que l’on peut trouver sur les autres continents. En tant que l’acajou sud-américain, dont la référence absolue est l’acajou du Brésil, ou du Honduras, a forgé notre culture sonore de la guitare électrique de manière indélébile, les autres acajous nous paraissent moins bons que ce dernier. Malgré tout, c’est un fait d’expérience que les acajous américains sonnent mieux que les autres, et satisfont mieux aux critères sonores qui sont les nôtres.

Selon le niveau de gamme de l’instrument, le prix qu’il coûte, on dispose de différents types d’acajou. L’acajou du Honduras ou du Brésil représente le haut de gamme de ce bois. Cependant, ils sont pour ainsi dire impossibles à avoir par des moyens légaux. Ces essences sont maintenant protégées depuis de nombreuses années ; il en va donc aussi de la protection de ces essences, dont l’exploitation a fait chuter considérablement leur nombre. Il existe une autre provenance dont les qualités esthétiques et acoustiques sont excellentes : l’acajou de Bolivie. Ce bois délivre un son chaleureux et équilibré, qu’il est particulièrement intéressant de traiter avec de l’érable (pour le manche ou la table, ou les deux). Ainsi, toutes les notes de la guitare ressortent avec de nombreuses harmoniques, et le timbre est très homogène et beau.

Cependant, on peut regretter que l’acajou n’ait pas une grande consistance sonore selon les provenances. Les acajous américain, africain ou asiatique ne sonnent pas du tout de la même manière, et il est flagrant que l’acajou américain soit le plus satisfaisant. Mais c’est aussi de loin le plus cher. Comptez qu’un bookmatch en acajou bolivien vous revienne à 300 euros, avant même que tout travail ait été effectué dessus, à part le débit en vue de la fabrication d’un corps de guitare électrique. Ainsi, la quasi-totalité des guitares de série (et même des guitares de luthier), ne sont pas fabriqués dans des acajous américains (ce qui est impossible parce que l’exploitation de ces essences est très contrôlée, et aussi par leur prix qui dépasse par 10 fois celui de l’acajou africain, et sans doute par 20 fois celui qui vient d’Asie), mais dans un acajou africain, dont le nom réel est le SIPO (la dénomination courante est Sipo-Mahogany, et c’est pour cela qu’on l’appelle acajou). Ce bois est bien différent, sous de nombreux aspects, et notamment par la couleur et le grain. Le Sipo est un bois très clair, surtout quand il n’est pas teinté, et il n’est constitué que de veinures longitudinales, alors que l’acajou sud-américain est d’un marron rouge très marqué, et voit ses fibres partir un peu dans tous les sens. La couleur d’un sipo teinté correspond à peine à celle un acajou brut. Aussi, l’acajou asiatique, appelé Nato, est un bois utilisé pour des guitares de très petite facture, et de petit prix. Mais il est bien difficile pour moi de savoir comment ce bois sonne réellement dans la mesure où je ne connais aucune guitare bien fabriquée qui dispose de ce bois pour le corps ; les défauts liés à la petite fabrication de la guitare détériorent aussi le son du bois. Le fait que ce soit un bois asiatique implique d’emblée qu’il soit moins onéreux.

L’acajou (le vrai) reste un bois souple, quoiqu’il soit dense, du fait qu’il est peu aisé d’avoir une coupe totalement en quartier. Ainsi, l’usage de l’acajou pour un manche de guitare requiert de nombreuses précautions afin qu’il soit suffisamment rigide pour que l’instrument reste accordé. Par exemple, il est peu conseillé (pour ne pas dire déconseillé) d’employer de l’acajou pour le manche d’une guitare dotée d’un vibrato flottant, type Floyd Rose. Des renforts en carbone sont nécessaire, ou du moins fortement conseillés.

mardi 29 octobre 2013

Est-ce dans de vieux bois que l'on fait de bonnes guitares ?


Pourquoi un article sur les bois de lutherie de guitare électrique ?


Premièrement, parce que ça m'intéresse grandement. 

Deuxièmement, parce qu'en parcourant quelque peu le net, on tombe sur des idées qui affirment tout et leur contraire. Certains pensent que les bois pour guitare électrique n'ont qu'une importante toute relative par rapport à ce qu'il en est dans le domaine de la guitare acoustique. D'autres diront qu'il ne faut pas les négliger, mais que les micros restent l'élément le plus important d'une guitare électrique. D'autres diront que c'est l'ampli qui fait le son, et d'autres encore que ce sont les effets. Il paraît, en effet, aisé de conclure qu'une fois qu'on a mis un delay, un chorus, un humanizer et tout un ensemble de filtres pour fabriquer son propre son, on se moque un peu de savoir si on a une touche en érable ou un palissandre... 
Et j'en passe, dès lors que l'on commence à entrer un petit peu dans le détail des essences de bois et leur assemblage.

Loin de moi l'ambition de révolutionner les choses, mais j'espère par ma contribution, éclairer celles et ceux qui souhaiterons s'y retrouver un peu mieux dans ce domaines, après avoir été trop souvent confronté à des idées incomplètes sur des forums de grande audience.

Par ailleurs, toute personne s'intéressant un peu à la façon dont est fait sa guitare, s'intéresse nécessairement un peu à la question des bois par lesquels elle est fabriquée. Et à plus forte raison, toute personne réfléchissant à franchir la porte d'entrée d'un luthier professionnel pour engager la démarche d'un projet de fabrication de guitare passe par tout un tas d'interrogations concernant les raisons qui justifient le choix de telle ou telle essence de bois, et la façon d'obtenir tel ou tel résultat sonore.

Ce premier article appartient à une série pour l'instant incomplète d'articles à parvenir, qui traiteront de certaines des essences de bois souvent employées pour la lutherie de guitare électrique.

Merci pour votre lecture !

Introduction

On ne peut réduire une guitare électrique à trois bouts de bois collés ou vissés ensemble, avec deux micros, et des cordes. Sinon, c'est pas la peine d'aller mettre plus de 150 dans un pelle... Mais justement, c'est sans doute la raison pour laquelle on appelle ça une pelle, une poêle, une planche, et non pas une guitare...

De nombreux facteurs doivent entrer en considération lorsque l'on traite de la question des bois de lutherie :

- l'essence de bois ;
- la provenance ;
- l'âge de l'arbre que l'on a coupé, et sa situation topographique ;
- le type de séchage et éventuels traitements supplémentaires ;

Jusqu'ici, le luthier n'a pas encore travaillé sur le bois. Il faut alors ajouter les étapes propres au travail du luthier, qui détermineront le rendu sonore et esthétique de l'instrument :

- la coupe du bois (sur quartier/sur dosse)
- le temps de repos entre chaque étape de la construction de l'instrument ;
- la teinte du bois ;
- le type de vernis employé.

Notre objectif sera de compléter au fur et à mesure cet article pour qu'il soit aussi complet que possible sur l'ensemble de ces points.

Le bois employé aujourd'hui est-il moins bon que cela qu'on employait dans les 50's ou 60's pour nos si chères Les Paul 57 et Stratocaster 62 ?

Je vais d'abord traiter d'une idée chère à nous autres guitaristes. Pour faire de bonnes guitares, le bois doit être vieux !!! Pourquoi ? 

Et qu'est-ce que ça veut dire, du vieux bois ? Du bois qui a séché longtemps ?

Question intéressante dont nous allons maintenant parler. Mais avant que je ne parle, moi, je vais laisser la parole à un lecteur di site d'Ed Roman (célèbre luthier américain) qui, en tant que biologiste, nous donne un point de vue très intéressant sur la raison pour laquelle les bois anciens sont meilleurs que les bois récents.

« Je viens de lire votre section concernant les « vieux bois » sur votre site Internet (http://www.edromanguitars.com/newsite/customshop/wood/oldwood.htm) et je voudrais vous offrir ma contribution.  J’ai toujours soutenu l’idée que les vieux bois étaient nécessairement meilleurs pour la fabrication de guitares, parce qu’ils sont d’une densité supérieure aux bois récents. Mais je n’ai jamais fabriquer une guitare, et n’ai aucune connaissance sérieuse en ce domaine, donc je ne peux pas parler de la qualité des « vieux bois » pour la fabrication de guitare. Mais je suis un biologiste qui étudie la vie sauvage, et j’ai étudié l’habitat de la vie sauvage forestière et son développement. En conséquence, permettez-moi de vous donner un nouveau point de vue à propos des « vieux bois ». Voici pourquoi les « vieux bois » sont dit meilleurs, et voici les raisons de leur densité supérieure par rapport aux bois récents.

La structure physique des forêts à travers le monde s’est modifiée au cours de siècles. Pour simplifier à outrance un phénomène complexe qui varie d’un écosystème à un autre, les forêts ont cessé d’être constituées de vieux arbres imposants et largement espacés, non pas dense comme ils le sont aujourd’hui. La plupart des espèces d’arbres pousse très vite quant l’arbre est jeune, et leur croissance va en diminuant à mesure qu’ils vieillissent. Une croissance rapide conduit à des anneaux largement espacés [vous savez que les anneaux des arbres représentent le nombre d’années qu’à cet arbre],  qui sont donc moins dense, ce qui a pour conséquence que le bois est moins résonnant. Un érable par exemple, va grandir très vite à peu près pendant les cinquante première années de sa vie, et va grandir jusqu’à une taille respectable et va produire d’épaisses couches de bois d’une faible densité. Mais il peut vivre un ou deux siècles de plus, durant lesquels il va grandir moins vite, et va produire des couches plus fines et moins espacées d’un bois plus dense et résonnant. La structure cellulaire d’un bois dense qui a grandi lentement est plus resserrée, a une teneur fibreuse plus importante ainsi que d’autres propriétés, qui en font certainement un bois plus résonnant. Par conséquent, « les vieux bois » proviennent de vieux arbres, qui ont vécu longtemps.

Ainsi, pourquoi les arbres récents ne produisent pas la même sorte de bois ? Pour deux raisons. Premièrement et principalement, ils sont débités trop tôt pour que leur vitesse de croissance ralentisse. Parce que l’exploitation commerciale du bois de construction a débuté avec les premiers arrivant européens en Amérique du Nord, nous avons coupé la quasi-totalité des arbres réellement vieux. Maintenant que les vieux arbres sont coupés, les scieries tentent de récolter le bois comme lors d’une moisson ; le temps c’est de l’argent. Dès lors que la vitesse de croissance d’une série d’arbre diminue, la vitesse à laquelle un hectare de terrain produit le plus de planche de bois diminue elle aussi. Il est donc économiquement plus rentable pour les scieries d’exploiter les forêts tant qu’elles sont dans leur phase de croissance rapide, pour les couper et en replanter d’autres. La plupart des forêts destinées à l’exploitation (j’inclus nos Forêts Nationales) [il s’agit sans doute d’un américain, mais l’on peut tout à fait songer qu’il en est de même dans nos pays européens], sont coupées approximativement sur la base d’un cycle de soixante ans. Pour des raisons similaires, des forêts dont l’exploitation est moins régulée, j’entends dans les tropiques (pour l’acajou, etc.), sont maintenant débités avant qu’elle ne vieillisse vraiment et ne puisse produire des bois dense d’une grande qualité. Les acajous de quatre mètres de diamètres [au niveau du tronc bien sûr] qui, il y a cinq cents ans, étaient facilement trouvables, ont été coupé il y a des années. Maintenant, tout ceux qui reste sont des arbres beaucoup plus jeunes qui sont débités dès lors qu’il atteignent une taille propice à leur exploitation.

L’autre raison pour laquelle les forêts étaient moins densément fournie, avec des arbres plus grands (au moins dans les forêts de conifères à des latitudes où le climat est tempéré), est liée aux incendies de forêts. Avant que les hommes ne commencent à éteindre tous les feux à de forêts dès qu’ils le pouvaient, les feux de forêts étaient fréquents, mais d’une faible intensité. Des feux fréquents ont brûlé ce qu’il y avait de combustible (branchages, arbustes), dans le sous-bois. Les très jeunes arbres étaient régulièrement tués par ces feux de petites intensités, de telle sorte que peu d’arbres pouvaient atteindre une taille où ils étaient assez résistants [avec une écorce assez épaisse] et hauts pour que éviter de brûlées. Ainsi, nous avions une forêt dont la structure consistait en de vieux et gros arbres, largement espacés. Tous les cinq ans environ, un feu survient, brûle tout ce qui est inflammable au niveau du sol, mais le feu n’est pas assez intense pour tuer les arbres parvenus à maturité. Par contre, dès lors qu’on a éteint les feux de forêts, les jeunes arbres qui auraient été tués ont dès lors la possibilité de grandir, ce dont il résulte que la forêt devient plus dense. De plus, tout ce qui s’amasse au niveau du sol et qui constitue un combustible (branche, arbres morts, etc.) s’accumule, de telle sorte que dès qu’un feu se produit, il est plus chaud et puissant que ce qu’il aurait dû être. Au lieu d’un petit feu qui se propage dans une herbe sèche à la base d’arbres imposants et majestueux, dont le feuillage est hors de portée des flammes, vous avez un feu qui brûle tout, et monte jusqu’à la canopée de la forêt, tue les arbres, et une fois encore empêche le développement d’arbres très vieux et dense.

Où pouvons-nous donc trouver du bois de grande qualité aujourd’hui ? Vous pouvez commencer à scier des meubles anciens.


John Martin.

San Diego, Californie. »


Merci beaucoup à John Martin d'avoir pris le temps de nous avoir instruit et d'avoir partagé son point de vue.

DISCUSSION

Fort de ce point de vue, faut-il se résoudre à n'avoir plus que des bois de mauvaise qualité pour nos guitares ?

Il est clair que la production de masse ne peut privilégier le choix d'essences nobles. Le choix du tilleul, par exemple, est lié notamment au fait que l'arbre pousse vite, donc que les stocks peuvent se renouveler rapidement, par rapport à des essences africaines ou sud-américaines. On voit certains grands fabricants, tel Martin ou Gibson, utiliser de plus en plus des substitues au bois de touche : le Richlite, ou le Micarta, qui sont des composés de papiers recyclés mélangé avec des résines phénoliques, teintées, et tout cela est cuit selon une forme voulue. Pensons aussi à l'emploi de résines pour certaines guitares (chez Ibanez par exemple), et l'emploi de nouveaux matériaux, pour obtenir de nouvelles sonorités, et se soustraire à la contrainte liée à l'usage du bois.

On perçoit aisément que cela répond à une double contrainte : trouver une alternative au bois parce qu'il se fait plus rare, et plus cher ; réaliser des instruments dont les protocoles de fabrication sont différents, ou simplifiés.

Cependant, dans le cadre d'une fabrication à la commande, chez un luthier privé, il est toujours possible de disposer d'essences de bois telles qu'on les utilisaient il y a 50 ans. Car toutes ces essences ne sont pas forcément rares, même s'il est vrai que nombreuses d'entre elles le sont. Par ailleurs, il n'est pas nécessaire d'aller chercher des arbres séculaires pour obtenir de bons bois de lutherie. L'idée que plus un bois est dense, mieux il est pour faire sonner une guitare n'est pas une vérité absolue : selon la densité d'une pièce de bois, le rendu sonore sera modifié, laissant soit apparaître un timbre sonore différent. Il n'est donc pas nécessaire d'avoir une guitare de 8 kg pour qu'elle soit bien ! Nombreux sont les luthiers qui ont chercher à obtenir des rendus sonores de qualité tout en disposant d'une guitare relativement légère (de l'ordre de 3 kg). Par ailleurs, toutes les essences de bois n'ont pas la même fourchette de densité. Tout cela, il faut en tenir compte dans le choix des pièces de bois que l'on souhaite, et selon la combinaison de bois voulue pour une guitare.

On trouve tout à fait de l'aulne, du frêne et de l'érable de très bonne qualité. Nulle besoin d'aller chercher des arbres pluri-centenaires pour obtenir une excellente stratocaster ou telecaster. L'important sera de choisir les bonnes pièces, séchées naturellement !
Il sera par contre moins vrai de dire que tous les bois couramment nommés "acajou" se valent tous. Ils disposent de caractéristiques acoustiques, mécaniques et esthétiques différentes. Et à proprement parler, l'appellation "acajou" devrait être réservée au "swietenia mahogani", originaire d'amérique tropicale, et non à ses substitues africaine, qui sont d'autres variétés. Or, parmi toutes ces variétés, dont la dénomination commerciale est réduite à "acajou" ou "mahogany", la difficulté sera de savoir, sur sa propre guitare, de quel essence il s'agit. Un oeil un peu entraîné reconnaît s'il s'agit d'un acajou américain, ou africain (sipo, sapelli), et leurs caractéristiques sonores sont différentes, la condition étant que l'on puisse véritablement voir le bois (il ne doit donc pas être masqué par un vernis teinté).

Je pense, pour ma part, et pour en faire l'expérience avec mes propres guitares électriques, qu'il est toujours possible de disposer d'instruments d'une extrême qualité, et qu'il n'est nul besoin d'aller se réfugier dans la valeur "vintage" pour bien sonner. Nul besoin d'aller scier nos vieux meubles pour faire  nos guitares !



Les prochains articles traiteront séparément de certaines essences couramment employées en lutherie de guitare électrique.

Merci pour votre lecture et vos commentaires.

lundi 28 octobre 2013

Arnaud Quérey Aude Junior


ESSAI : ARNAUD QUÉREY AUDE JUNIOR


La photo officielle de la Aude Junior.

Présentation : 


Je vous présente la Aude Junior 22 cases, fabriquée par le luthier français Arnaud Quérey (http://www.quereyguitars.com).

Ses caractéristiques sont les suivantes :
- Corps et manche collé en acajou de Bolivie (du vrai, pas du Sipo), touche en ébène du Congo (je tiens à préciser que la couleur du corps autant que du manche est NATURELLE : le vernis est totalement transparent, sans teinte!),
- Mécaniques Grover (ce qu'il y a de mieux),
- chevalet fixe Gotoh 510 UB chromé (et non pas le Badass monté à l'origine sur la guitare ; ce chevalet s'est révélé peu performant, et moins esthétique. Le Gotoh est à la fois esthétique et très confortable, le changement des cordes est rapide et ainsi que ses réglages.
- Les micros sont des Seymour Duncan P90 (des micros extraordinnaires!),
- A l'origine, il y a un volume et une tonalité, et un mini toggle switch 3 positions, mais j'ai demandé une modification personnelle sur cette guitare pour qu'elle me convienne mieux, et j'ai maintenant deux volumes et une tonalité, et un toggle switch 3 positons type Gibson, plus en avant sur le corps, mais cela ne tient qu'à moi ; vous pouvez avoir ce que vous voulez),
- Strap-locks Schaller montés d'origine, dont celui de la corne supérieure monté derrière, de telle sorte qu'on ne le voit pas (et cela permet d'avoir un dessin de la corne qui soit plus fin),
- je ne me rappelle plus de la dimension des frettes qui sont montées dessus, mais cela étant une affaire de goûts, Arnaud vous monte les frettes que vous désirez.

Chaque élément de l'instrument est de la meilleure des qualités, et notamment les bois, dont la provenance témoigne de la rigueur avec laquelle Arnaud Quérey travaille.
La qualité des finitions est remarquable et l'esthétique est poussée aussi loin que possible : le talon de la jonction du manche au corps est fini par une petite pièce d'ébène, et la plaque est à l'origine un plaquage d'acajou (et non pas une plaque en plastique très moche). La modification que j'ai apportée à la guitare à obligé Arnaud à retailler une plaque, qui est maintenant elle aussi en ébène! La petite plaque qui obstrue le trou de la trus rod, au niveau de la tête, est faite d'un triple plaquage d'acajou et d'érable. Un chanfrein fait le tour du corps et lui donne beaucoup d'élégance. Les particularités esthétiques de chacune des guitares d'Arnaud en font des modèles uniques, parce que tout est taillé à la main et les formes de détails sont réalisées en fonction de l'inspiration du moment.
Tout est possible avec Arnaud Quérey, et ce n'est pas qu'un slogan politique...

J'ajoute une petite note supplémentaire à propos de l'acajou qu'utilise Arnaud. Là se trouve l'une des différences fondamentale entre ses instruments et toutes les guitares de série (j'englobe ici toutes les guitares que l'on trouve dans des magasins courants, et y compris des petites séries custom que l'on trouve chez tous les fabricants dignes de ce nom). Comme je l'ai dit, il s'agit d'un véritable acajou, de Bolivie en l'occurence (l'important étant qu'il provienne d'Amérique du Sud). En vérité, toutes les guitares courrantes (Gibson, Paul Reed Smith etc.), présentées comme étant faites dans de l'acajou, sont réalisées dans du Sipo, c'est-à-dire un bois africain dont on peut très facilement apprendre qu'il n'est pas conseillé pour la lutherie mais plutôt pour la fabrication de meuble de petite qualité, de lamélé-collé ou de lambris... Ce pour quoi on peut le comparer à l'acajou est le fait qu'il a des veinures qui peuvent ressembler un peu à celles de l'acajou (celui qui ne connait pas la différence se laisse avoir, mais en fait, une fois qu'on l'a saisie, cela devient flagrant ; c'est la raison pour laquelle toutes les guitares fabriquées en Sipo ont leurs bois teints, voire peints en un brun beaucoup plus foncé que sa couleur réelle pour tenter de copier ce que rend un véritble acajou), et une densité plus ou moins comparable. Mais au bout du compte, le son n'y est pas... du moins pas comme avec du véritable acajou. Mais cela s'explique par le fait que l'acajou est un bois rare et de surcroît très cher ; c'est pour cela que l'on ne peut en trouver que chez des luthiers dont les méthodes de travail et les recherches visent la perfection.
Mais finalement, entre une PRS ou une Gibson et une Quérey au même prix voire moins cheère, il n'y a pas photo... on en a largement plus pour son argent, et avec un instrument à soi.

A l'usage :

Cette guitare n'a pas fait l'objet d'une commande de ma part. Elle était fabriquée depuis déjà pas mal de temps avant que je ne l'achète. Je suis bien heureux que personne n'ai eu jusque là la possibilité de la prendre avant moi, bien que nombreux ont été ceux qui l'ont désirée... Donc, contrairement à ce que vous pouvez obtenir quant à la personnalisation de votre guitare, ce modèle-ci n'a pas été conçu au cours d'une collaboration étroite entre Arnaud et moi. Mais sachez que Votre guitare fera de toute façon l'objet d'une étude personnalisée.

Le manche est verni (verni polyuréthane de neuf couches si je ne m'abuse, à la fois sur le manche et sur le corps ; ce n'est pas un simple verni que l'on trouve sur toutes les guitares de grosses productions) et d'un galbe assez rond par rapport aux instruments sur lesquels j'ai eu depuis de nombreuses années l'habitude de jouer. Je n'ai cependant pas eu le moindre temps d'adaptation pour m'habituer à son dessin la première fois que j'ai joué sur cette guitare. Quoique épais, le verni n'est pas du genre à vous empêcher de déplacer votre main : il est curieusement plutôt "glissant". Moi qui ai l'habitude de jouer sur des Music Man, dont les manches ne sont pour ainsi dire pas verni, je n'ai connu aucune gêne.

L'accès aux notes les plus aigues est très facile : le début du talon (sachant qu'il ne ressemble pas à un bloc cubique, mais grossit progressivement pour parvenir à sa taille totale au niveau de la jonction, et pas avant), ne commence qu'en Si, à la 19ème case.Peut-être que les acrobaties les plus techniques ne sont pas aussi facilement réalisable qu'avec un manche de deux octaves, mais tout de même, c'est incomparable par rapport à une Gibson.

La touche en ébène rend le manche particulièrement agréable à jouer. Ce bois est reconnu pour être l'un des plus doux et glissant au toucher, et l'un de ceux qui absorbe le mieux les chocs occasionnés par le jeu normal de la main gauche sur les cordes. Si vous jouez de nombreuses heures par jour, tel un professionnel, il est certain d'une touche en ébène rend le travail plus agréable et accroît votre endurance. Je vous renvoie à un commentaire très intéressant sous de nombreux aspects, sur cette page : http://www.edromanguitars.com/wood/gaboon.htm.

L'association d'un manche très droit, dans lequel on trouve des reforts en carbone, et d'un chevalet très simple à régler, donne la possibilité d'obtenir des actions records (il n'y a pas que Vigier pour cela, loin de là). Ce manche est vraiment excellent.

La table est plate si l'on omet le chanfrein qui lui donne un certain relief sur le pourtour du corps. Donc, pour ceux qui souhaitent avoir un chanfrein très prononcé pour ne plus avoir l'impression de porter une guitare sur les épaules, il est certain que des critiques voleront. Cependant, un peu d'habitude suffit à faire passer cette idée. Je dis cela parce que je suis dans la catégorie de ceux qui aiment profiter de ce genre de détails. Après une semaine passé à jouer sans cesse dessus, j'ai fini par dire à Arnaud que cela ne me dérangait plus du tout. La position du bras se modifie un peu de telle sorte qu'on ait plus l'impression d'avoir une table plate.

L'acajou, l'ébène, c'est lourd! Mais le fait d'avoir un cordier fixe permet de réduire sensiblement l'épaisseur du corps par rapport à un vibrato flottant. Donc, malgré tout, même si on sens qu'on a pas une guitare en papier carton, on ne porte pas non plus une Claymore de Highlander. On a pas le dos en miette, même après deux ou trois heures de jeu. De surcroît (ça va vous sembler un détail peu important), je me suis rendu compte que les strap-locks étaient placé de telle sorte que l'équilibre général de la guitare n'était pas très commun. A savoir que la guitare se place naturellement assez droite (parallèle au sol, si je puis dire). Cela m'a surpris la première fois, mais je trouve que cela oblige à avoir le dos plus droit (donc à ne pas s'avachir sur la gutiare, de telle sorte qu'on finisse bossu). C'est un détail, qui à la longue, peut compter. Ceci dit, il est possible de les placer légèrement différemment pour que la tête remonte plus.

C'est un instrument aux mesuration étonnemment petites : elle est plus petite qu'une Music Man John Petrucci, qui n'est déjà pas un monstre.

Enfin, le son vient immédiatement! C'est fulgurant, et l'on sait pourquoi tout le monde est totalement satisfait des guitares d'Arnaud. Mais je vais détailler mon propos dans la rubrique suivante.

Bien sûr, note maximale...

Sonorités :

Curieusement, je peux considérer que je possède une guitare dont les caractéristiques sont à peu près contraires à ce que l’on recherche généralement pour jouer du métal progressif : cette guitare est résolument vintage, offre un grain riche et chaleureux, plein de bas médiums, gras et un peu sale. Pour autant, je peux vous assurez qu’avec mes P90 soapbar qui font un boucan d’enfer si on se tourne un peu trop vers l’ampli (ah… les bons vieux single coils…), j’ai un gain largement équivalent à celui qu’on obtient avec une Music Man John Petrucci. Mais la comparaison entre ces deux guitares s’arrête là, parce que sinon, beaucoup de choses les distinguent l’une de l’autre.

Donc, je ne suis pas bien sûr qu’elle convienne au style que je joue, mais elle me convient et me satisfait absolument. J’ai enfin compris ce que j’aimais entendre comme son et par quels moyens l’obtenir. En fait, il n’y a pas de secret, l’acajou, c’est un bois fabuleux, qui vous donne un son profond et puissant, très riche en harmoniques.

En fait, le son est moelleux, très rond, joufflu, obèse sur les bords, à tel point que certains trouveront qu’il manque des aigus, parce le son leur semble un poil sourd, surtout en micro manche. Enfin, il suffit de rajouter un peu d’érable et le tour est joué, mais alors, on retombe sur quelque chose de similaire à la Aude Standard. Arnaud Quérey est quelqu’un de très intelligent, qui produit des modèles aux orientations toujours légèrement différentes les uns des autres.
Cependant, l’instrument est extrêmement bien équilibré ; chaque note d’un accord est audible et lisible. Pour ma part, les trois bandes l’égalisation du canal saturé de mon ampli (une tête ENGL Savage SE (1)) sont réglées à midi. Cette guitare forge votre son, davantage encore que l’ampli, dont on fini par penser qu’il est secondaire, une fois que l’on commence à goûter à la richesse sonore qu’elle restitue. Toutes les sonorités de l’instrument sont exploitables avec autant d’intérêt, en allant des sons clairs ronds et profonds pour jouer du blues ou du jazz, vers les saturations moyennes, très accrocheuses, pour parvenir aux fameuses "high gain overdrive", toujours très… excitantes… Par ailleurs, le fait d’avoir un volume séparé pour chaque micro (ce que j’ai souhaité obtenir avec la modification que j’ai fait apporter à la Aude) vous fait disposer d’une latitude plus grande encore pour affiner votre son, et lui donner une couleur vraiment particulière. Je préconise véritablement ce choix pour cette guitare, alors que cela n’est pas nécessaire pour nombre d’autres. Par ailleurs, une tonalité ne semble pas nécessaire, les P90 réagissant à une baisse de volume de manière relativement similaire à ce que produit une baisse de tonalité.

Tout me plaît et m’enthousiasme avec autant d'intensité dès que je joue avec cette guitare ; ma manière de jouer s’est trouvée changée, pour être plus sensible je trouve, et attentive à des effets de jeu que l’on n’obtient pas avec des guitares dont les axes musicaux sont plus radicalement définis. Clairement, vous pouvez envisager de tout jouer avec, et vous obtiendrez toujours le son propre à cette guitare, qui est, à mon sens, l’une des meilleures réalisation d’Arnaud Quérey (lui-même en est d’ailleurs extrêmement fier).

Comme d’habitude, mais vous commencez à vous y faire, je mets la note maximale…

Conclusion :

Cette guitare a finalement trouvé son acquéreur le 29 novembre 2006, pour leur plus grand bonheur à tous les deux. Je la joue quotidiennement, étant chaque jour autant surpris de la richesse et de la subtilité de ses sonorités. Comme l’a dit Nighthawk, ceux qui ont trouvé que la Aude était d’une forme curieuse ont à coup sûr fini par dire que cela n’était que de peu d’importance tant le son qu’elle délivre est beau.

Il n’y a rien sur cette guitare que je n’aime pas, ni même moins que quoique ce soit. Elle répond entièrement à mes attentes, et je le crois, doit pouvoir convenir à beaucoup de guitaristes qui souhaitent trouver dans leur instrument, quelque chose de particulier, un tempérament, Un Son, et surtout un son à Soi. La Aude Junior est ma seizième guitare, et sans nul hésitation, la meilleure de toutes. Par rapport aux autres guitares d’Arnaud Quérey, Aude, j’entends, elle est le modèle le plus sobre, et aussi celle qui m'a le plus charmé du premier coup. Mais maintenant que j’ai la Junior, j’aimerais avoir une Standard ; mais il était plus important pour moi d’avoir une guitare comme la Junior avant d’en avoir une comme la Standard, dont le son est quand même très différent (en aucun cas je ne dis « mieux » ou « moins bien » !). Mais je vais avoir bientôt ma Per Aude 7 cordes, donc, chaque chose en son temps.

La Aude Junior coûte 2700 euros, dans sa configuration d’origine (chevalet Bad Ass, etc.). Le prix ne change sans doute pas avec le chevalet Gotoh, mais il peut varier légèrement (plutôt en plus qu’en moins, du fait que c’est la déclinaison de la série Aude à la configuration d’origine la plus simple), si vous avez des exigences particulières. De toute façon, comme je l’ai dit, Arnaud peut vous faire tout ce que vous voudrez.

Pour ma part, je trouve que les prix que pratique Arnaud sont loins d'être exhorbitant, si l'on considère objectivement le temps passé à la conception d'un modèle, la patience et l'écoute accordées à ses clients, le perfectionnisme de l'artisan en quête de quintessence sonore (si, si, je vous assure), tout cela suffit à justifier son prix. Nombreuses sont les guitares de grandes séries (pour ne pas dire très grandes), qui sont fabriquées presque du début à la fin par des machines, avec un minimum d'interventions humaines, et qui affichent des prétentions qui outrepassent de loin la réalité de leurs qualités, quant à leur facture et leur son, et qui sont proposées à des prix qui, parfois, dépassent l'entendement.

Pour conclure, je reprends ce que j’ai dit sur un sujet du forum d’AF consacré à Arnaud Quérey :

"En fait, il est tout simplement impossible d'être déçu de ce qu'on a avec Arnaud Quérey, pour la simple raison que ses guitares ne font pas simplement partie des meilleures guitares qui puissent exister (d'autres grands luthier d'exeption sont au moins aussi formidables), mais il vous fabrique la meilleure guitare possible en fonction de votre jeu et de vos attentes sonores, esthétiques et ergonomiques. D'une écoute et d'une patience dont on n'arrive pas à penser qu'elles connaissent de borne, il tire des idées les plus floues un résultat inimaginable de prime abord.
Bref, si vous avez l'amour de la perfection du matériel, l'amour d'un travail réalisé avec la plus grande attention, et que vous pouvez vous permettre le luxe de vous offrir un tel instrument, Arnaud Querey est un homme qui saura donner vie à des rêves dont vous n'avez pas idée du potentiel..."

Si jamais vous avez des questions concernant cette guitare, ou un autre modèle d'Arnaud Quérey, ou bien si vous souhaitez l'essayer parce que vous voulez sérieusement vous faire fabriquer une guitare par lui, n'hésitez pas à me contacter.

Je remercie toutes les personnes qui ont pu contribuer, par leur témoignage, leurs avis sur les modèles d'Arnaud Quérey, à me faire connaître ce grand luthier, et tout particulièrement Nighthawk, qui, par son engagement en sa faveur, par les blogs qu'il a lui-même conçu, m'a donné l'envie de sauter le pas et de prendre contact avec Arnaud. Et bien sûr, je remercie Arnaud Quérey, qui m'a montré ce qu'est véritablement un instrument d'exception.


La Aude Junior, avec la petite modification que j'ai faite faire par son luthier, pour disposer d'un switch à l'endroit auquel je le souhaitais. A gauche, la Quérey Les Paul, et à droite, la Per Aude Adamante, dont vous pouvez consulter les essais sur ce blog.

Le détail du corps, où l'on peut voir l'aspect très particulier de l'acajou de Bolivie. A noter que le bois n'est absolument pas teinté, et que le vernis est totalement transparent.

La tête, avec sa petite plaquette en triple placage de palissandre et d'érable.

L'arrière de la guitare, avec sa plaque d'accès à l'électronique... en ébène...